AUX SUIVANTS

Une jeune femme doit rembourser ses parents de tout ce qu’elle leur a coûté depuis sa naissance, deux frères doivent reprendre l’entreprise familiale après le suicide de leur père, un jeu de société convoque avec humour les règles et tricheries de l’économie actuelle, et un conteur invente le personnage de l’homo debitor.

Aux Suivants entremêle plusieurs fils narratifs pour les faire entrer en résonance et raconter ainsi l’héritage difficile d’une époque où les dettes économiques se mêlent aux dettes morales, et vice versa…un monde dont on hérite nécessairement pour pouvoir passer au suivant.

Création à la Comédie de l’Est – CDN de Colmar

12 au 19 novembre 2015 : La Comédie de l’Est – CDN de Colmar

24 novembre 2015 : Ma – Scène Nationale de Montbéliard

6 au 8 avril 2016 : La Comédie de Saint-Etienne – CDN

19 et 21 avril 2016 : La Comédie de Béthune – CDN

26 au 28 Mai 2016 : Festival Théâtre en Mai – Dijon, CDN

1er au 5 juin 2016 : Théâtre Paris Villette – Etablissement culturel de la ville de Paris

9 novembre 2016 : Théâtre de Cornouailles – Scène Nationale de Quimper

Ecriture et mise en scène Charlotte Lagrange

Avec : Hugues De La Salle, Guillaume Fafiotte, Julie Palmier, Martin Selze, Marie-Aude Weiss

Lumière : Claire Gondrexon

Son : Samuel Favart Mikcha

Scénographie : Camille Riquier

Régie générale et Construction : Olivier Fauvel

Administration : Sabrina Fuchs

Au-dessous du Volcan

Par Thomas Flagel, Poly

Charlotte Lagrange crée sa seconde pièce durant le festival Scènes d’Automne en Alsace. Aux Suivants interroge avec un optimisme salvateur et un cynisme piquant le poids des mécanismes de la dette et de l’héritage familial sur nos vies.

Elle nous avait séduits avec L’Âge des poissons, première mise en scène audacieuse librement adaptée de Jeunesse sans Dieu d’Ödön von Horváth. Deux ans ont passé et voilà Charlotte Lagrange, ancienne élève en dramaturgie de l’École du TNS dont elle est sortie diplômée en 2010, de retour avec sa compagnie La Chair du monde, habitée par les mêmes envies : écrire au plateau avec et pour ses comédiens (retravaillant la nuit les brouillons du jour) et se saisir des grands enjeux du monde dans leur complexité pour parler de l’Homme, cet « animal complexe, rempli de nœuds qu’on ne peut dénouer que si l’on va vers l’autre, qu’il soit amant, frère ou ami ».

De la Transmission
Avec son titre aux accents bréliens, la dramaturge de 31 ans se penche sur la transmission générationnelle et son lot d’asservissements. « Au-delà des biens et des responsabilités, les parents charrient aussi, plus ou moins volontairement, leurs névroses… » glisse-t-elle dans un sourire. Ainsi en va-t-il d’Alice dont les parents exigent, en tout bien tout honneur, le remboursement de ce qu’elle leur a coûté depuis sa naissance. Hé oui ! Faut bien que le vieux couple pense un peu à lui, la retraite venue ! Cet incroyable chantage affectif se déroule, entre la poire et le fromage, dans une sincérité totale et désarmante pour la jeune femme qui accepte cela sans broncher. Ce mélange de dette morale et économique tombe aussi d’un seul coup sur les épaules de deux frères, confrontés au suicide de leur père qui leur laisse sur les bras son entreprise de BTP, adossée à un mystérieux volcan. Chacun fera son chemin dans le deuil et l’acceptation (ou pas) du rôle qui lui incombe désormais. Depuis le premier jour du reste de leur vie jusqu’au choix déterminant de l’avenir qu’ils s’inventent, nous suivons ces deux histoires parallèles, la force des liens affectifs de chacun dans la difficulté intime de se libérer de son éducation, du désir des autres pour soi et de la pression sociale ambiante.

The Game
Deux trouvailles irriguent Aux Suivants d’un cynisme à la hauteur des dégâts de notre époque. Une sorte de Monopoly géopolitique et macro-économique où les joueurs se confrontent de manière ultra didactique à tous les mécanismes de renforcement des pouvoirs entre puissants, au détriment des plus défavorisés. « Les dés sont truqués depuis le début », lâche, réaliste, Charlotte Lagrange. « Notre génération est fortement marquée par la crise de 2008 et cette obsession économique dans le discours politique qui mélange défaitisme et instrumentalisation de la peur de manière insupportable. Je me suis beaucoup intéressée à cette question omniprésente dans les médias et dont de nombreux acteurs de l’économie mondiale se servent de prétexte. Thomas Sankara (Président du Conseil national révolutionnaire du Burkina Faso, de 1983 jusqu’à son assassinat en 1987), dont le discours sur la dette devant les Chefs d’États africains en 1987 m’a beaucoup inspiré, pointait déjà du doigt problèmes et solutions au marasme de domination imposée par la finance mondiale et son bras armé : FMI et Banque mondiale. »

Homo debitor
La seconde petite merveille d’humour noir de la pièce vient d’un narrateur martien, décryptant pour nous l’évolution de l’Homme face au Capital et son double : la domination. Ce nouveau Dieu sur terre qui fit de notre propension à la rationalité égoïste une évolution de la race humaine en Homo œconomicus, puis en Homo debitor une fois le calcul de la dette de chaque être humain dans son groupe social de naissance effectué. Le Capital est immortel, rachète les dettes. Il est tout simplement le créancier universel. Pas question pour autant d’en faire une pièce pessimiste pleine de complaintes. Une dose d’espoir sincère dans l’idée qu’un chemin non solitaire apporte un peu de joie de vivre et de capacité à rire face au cynisme ambiant irrigue le tout. Aucune raison d’être loyal dans un jeu pipé, ni de s’imposer les responsabilités d’un autre au risque de ployer sous la charge et de se perdre. L’écriture est peu bavarde. « Elle se fait en creux, l’intensité étant prise en charge par les corps, comme si le langage des personnages n’était que le haut visible de l’iceberg », confie la metteuse en scène pour laquelle les émotions sont définitivement à jouer et non à dire sur un plateau de théâtre. Et de rappeler finement que tout cela n’est finalement rien, comparé à la force primitive de vie et de destruction d’un volcan tout à la fois physiquement présent pour les personnages et métaphorique : celui qui gronde en chacun de nous et que nous ferions bien d’écouter…

Production : La Chair du monde

Coproduction : La Comédie de l’Est – Centre dramatique national d’Alsace (Dans le cadre de Scènes d’Automnes en Alsace), Ma scène nationale – Pays de Montbéliard, La Comédie de Saint-Etienne – Centre dramatique national.
Avec le soutien : du Ministère de la Culture et de la Communication – Direction régionale des affaires culturelles d’Alsace et de la Région Alsace.

Résidences : Le Fracas – Centre dramatique national de Montluçon, La Comédie de Béthune – Centre dramatique national Nord Pas-de-Calais, Théâtre Paris-Villette. Ce projet a été présenté en 2014 dans le cadre du réseau Quint’Est.