Quand la ville se lève

Après l’écriture d’Une Place Dépeuplée et la création du Noyé du Cher, Charlotte Lagrange poursuit l’écriture d’un texte qui interroge l’impact du territoire, de l’urbanisme et de la domination de la terre sur les trajectoires intimes de chacun.

Betty – Alors je pourrais y retourner ?
Audrey sourit tristement
Je pourrais revenir non ?
Audrey – Non
Betty – Non?
Audrey – Je ne pense pas que vous aurez les moyens
Avec tout ce qu’ils auront investi
Les loyers seront
disons ça
hors de prix
Betty – Hors de prix
Pour moi
Audrey – Oui
Betty – Alors c’est fini ?
Audrey – Oui
Betty – Alors c’est mort pour moi ?
Audrey – C’est fini oui je crois
Betty – C’est étrange d’imaginer qu’un jour ici il n’y aura plus rien
Audrey – Si il y aura des choses mais plus de traces de ça

Extrait

Crédits Photos
Gallerie © Michael Wolf / Gueorgui Pinkhassov
Photo © Inconnu

Création 2025

2023/2024 – RÉSIDENCES DE RECHERCHES ET D’ÉCRITURE

Première résidence autour de Quand la ville se lève
→ Résidence d’écriture à Montréal organisée par le Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ) en partenariat avec la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon – Centre national des écritures du spectacle : 16 mai au 27 juin 2023

Résidences de recherche sur les territoires
→ Résidences de recherche à Culture Commune, scène nationale du bassin minier du Pas-de-Calais – Loos-en-Gohelle : 9 au 14 octobre 2023 / 15 au 19 janvier 2024 / 5 au 9 février 2024
→ Résidence de recherche avec la Scène de Recherche – Gif-sur-Yvette : novembre 2023 / janvier 2024 / février 2024
→ Atelier de recherche avec des collégiens PACTE
→ Workshop de recherche Sciences et Arts avec le master AR-RC (Année Recherche – Recherche Création) de l’ENS Paris-Saclay
→ Atelier d’écriture autour de ces problématiques avec les étudiants de l’Université Paris-Saclay

Résidences d’écriture
→ Résidence d’écriture à la Maison Jacques Copeau à Pernand-Vergelesses : 19 au 28 février 2024 / 4 au 12 mars 2024
→ Résidence d’écriture à la Maison Mainou à Vandoeuvre (Suisse) : 15 avril au 4 mai 2024

Résidences de recherche au plateau
→ Travail à la table et recherches au plateau aux Tréteaux de France : 3 au 6 juin 2024
→ Travail à la table et recherches au plateau à Théâtre Ouvert : 10 au 12 juin 2024
→ Sortie de résidence le 12 juin à Théâtre Ouvert

2024/2025 – RÉPÉTITIONS ET CRÉATION

Les Tréteaux de France – CDN
Théâtre Ouvert – centre national des dramaturgies contemporaines
Nouveau Relax – scène conventionnée de Chaumont
La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon – centre national des écritures du spectacle
La Scène de Recherche – Gif-sur-Yvette
Théâtre Joliette – scène conventionnée de Marseille

→ Création à l’automne 2025

Tournée 2025/2026 : ACB – Scène nationale de Bar-le-Duc Meuse, Théâtre de l’Union – CDN du Limousin, Bords2Scènes Vitry-le-François, Nouveau Relax – scène conventionnée de Chaumont, La Scène de Recherche – Gif-sur-Yvette, etc.

Distribution

Texte et mise en scène : Charlotte Lagrange

Avec : Boutaïna El Fekkak, Chloé Ploton, Olive Malleville et Jean-Baptiste Verquin
Collaboration artistique :
Johanne Débat
Scénographie :
Salomé Bathany
Création costume :
Aude Désigaux
Création musicale :
en cours
Création lumière :
en cours

Production

Production La Chair du Monde

Coproduction – recherche en cours Le Théâtre du L’Union – CDN de Limoges, L’ACB – Scène Nationale de Bar-le-Duc Meuse, Le Nouveau Relax – Scène Conventionnée de Chaumont, La Scène de Recherche – Gif-sur-Yvette, Culture commune – scène nationale du bassin minier du Pas-de-Calais, Théâtre Joliette Scène conventionnée de Marseille

Soutiens
Maison Jacques Copeau
Maisons Mainou
Charlotte Lagrange a bénéficié d’une résidence individuelle organisée par le Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ) en partenariat avec La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon – Centre National des Ecritures du Spectacle. Elle a été accueillie durant cette résidence par le CEAD (Centre des Auteurs Dramatiques)

Avec l’aide à la résidence
du Centre National du Livre

 

Note d'intention au 27 mai 2024

Une cartographie d’histoires pour parler de l’aménagement du territoire
Alors que je travaillais à l’écriture d’une pièce sur la présence invisible de la haute-bourgeoisie dans la ville de Montluçon, j’ai découvert à quel point les grands projets d’aménagement sur le territoire national avaient un impact sur les destinées intimes, sans qu’on en soit forcément conscient. Ça m’a donné envie d’écrire une pièce polyphonique qui mette en lien plusieurs histoires. J’ai imaginé une structure dramaturgique inspirée de la cartographie qui déploierait plusieurs lieux et plusieurs temporalités pour détricoter la manière dont le territoire et son organisation agissent profondément sur notre rapport au monde et notre appartenance à des classes sociales.

Un théâtre intime et documenté
Pour cela, j’ai eu besoin de mener une enquête. Je voulais me documenter pour saisir les rouages du mille-feuilles de responsabilités à l’aune de tout projet d’aménagement du territoire. Mais aussi et surtout, je voulais quitter le regard géographique ou sociologique pour plonger dans des histoires personnelles, pour comprendre les ressentis complexes tant du point de vue des personnes qui subissent ces projets que de celui de celles qui les mettent en oeuvre.
J’ai donc mené des résidences de recherches sur deux territoires très distincts :
– Le plateau de Saclay où le projet d’une Silicon Valley à la française est aujourd’hui en pleine expansion et engendre l’artificialisation de terres réputées très fertiles.
– Et le bassin minier du Nord Pas de Calais, dont la politique actuelle tente de réhabiliter le passé minier et son architecture pour donner un renouveau à ce territoire entièrement dessiné par l’industrie minière.
Deux territoires qui, pour se renouveler et ouvrir de nouveaux horizons, en viennent à exproprier des paysans ou à expulser des habitants.
Une troisième source d’inspiration s’est imposée à moi, celle de l’expulsion dont ma mère et moi avons fait l’objet lorsque j’étais enfant.
Cet évènement ne m’a jamais été raconté comme un drame. C’était un état de fait contre lequel il n’y avait pas lieu de se battre. Mais cette petite histoire rejoint la grande, car elle sonne le début de la gentrification parisienne qui avait déjà redessiné le visage de grandes villes comme New-York et Londres.

Lors des entretiens que j’ai menés, j’ai rencontré une femme qui, elle, a refusé cet état de fait. Elle reste dans l’immeuble dont elle est expulsée. Elle y reste tant qu’elle n’obtient pas un logement conforme à ses attentes, des attentes que certains jugent démesurées au regard de sa situation. Mais c’est sa seule manière de résister au rouleau compresseur de l’histoire. Et cette femme est devenue la pierre angulaire de la fiction Quand la ville se lève.

Que se passe t’il quand on refuse un mouvement inéluctable ?

Quand la ville se lève, l’histoire
Une jeune paysagiste engagée dans la rénovation du plateau de Saclay rencontre le regard dévasté d’une agricultrice dont les terres vont être aménagées par l’Etat. Ce qu’elle nomme le « regard aquarium » de cette agricultrice fait remonter en elle le souvenir de sa mère qui, des années plus tôt a lutté contre l’expulsion dont elle faisait l’objet. Cette rencontre la renvoie à sa propre compromission. Elle est passée de l’autre côté.
Elle replonge alors dans le souvenir de son adolescence, dans la fascination qu’elle a eue pour Audrey, la jeune femme venue leur annoncer leur expulsion, et dans le sentiment de honte que lui procurait le comportement de sa mère.
Mais alors qu’elle marche aujourd’hui dans les bois qui jouxtent le grand projet d’aménagement de Saclay, elle se souvient du propriétaire de son immeuble et de son obsession pour une pousse de chêne venue s’insinuer dans les lattes de son parquet. Et elle comprend pas à pas le rêve de sa mère, un rêve d’une vie antérieure dans une lointaine forêt du 18ème siècle où une révolte paysanne fut noyée dans le sang.

Dramaturgie de poupées russes
Comme dans les Mille et une nuits, un personnage raconte une histoire dans laquelle un personnage raconte un souvenir dans lequel un autre personnage raconte un
rêve. Un espace ouvrant ainsi un autre espace, et une autre temporalité, voire un autre niveau de réalité, au point qu’en partant du Grand Paris d’aujourd’hui en pleine construction, et en passant par le Paris en voie de gentrification des années 90, on en arrivera peu à peu à une forêt mythique du 18ème siècle où des paysannes se battent contre l’appropriation des terrains communaux.
Cette structure du conte permet de partir de rien, de la seule parole d’un personnage pour faire advenir des situations emboitées les unes dans les autres. Elle me permet de remonter le fil de la révolution urbaine par le biais des histoires individuelles qu’on transmet de génération en génération. C’est une manière pour moi de travailler sur la situation politique actuelle en détricotant les mécanismes par lesquelles elle est advenue au fil du temps, et ce, toujours en passant par les parcours individuels.

Le conte et la fiction
J’ai écrit la pièce en rêvant d’un dispositif quadrifrontal, où les spectateurs entoureront l’espace de jeu. C’est une manière pour moi de recréer spatialement l’emboitement dramaturgique de la pièce. Mais aussi de partir du plateau apparemment nu.
Les spectateur·ice·s seront autour de quatre acteurs, quatre personnages et conteurs qui déplieront des espaces-temps fictionnels par la parole. Petit à petit, imperceptiblement, quelques éléments, comme des esquisses ou des traces de la forêt mythique, feront apparaitre le rêve dans lequel plongent tous les personnages. J’aimerais ainsi aborder la scénographie moins comme un décor que comme une installation qui ouvre l’imaginaire, et en jouer avec humour.

Charlotte Lagrange