Atelier d'écriture autour de Désirer tantavec La Filature - Scène Nationale de Mulhouse

Suite à cet atelier d’écriture dans lequel les élèves ont écrit les synopsis des pièces qu’ils aimeraient voir au théâtre, que ce soit à partir des problématiques qui les toucheraient, ou des histoires dans lesquelles ils pourraient davantage se reconnaître, une des élèves a offert un petit cahier illustré sur Désirer tant que vous retrouvez sur la droite…

Un article sur l’atelier

Charlotte Lagrange et les lycéens : une révélation et un prix littéraire
Par Laurence Herbelin,

Les lycéens de la classe littérature et société du lycée Louis Armand de Mulhouse se sont essayés le temps d’un atelier à l’écriture de l’intime lié au politique et à l’histoire. En effet, c’est lors d’un parcours organisé par la Filature que les élèves de Seconde ont pu découvrir le pouvoir de révélation que procure la littérature, notamment le théâtre. Ils ont assisté à la Filature successivement au cours de l’année scolaire à la représentation de la pièce Désirer tant de Charlotte Lagrange, Tous des Oiseaux de Wouajdi Mouawad et Saïgon de Caroline Nguyen. Ces trois œuvres ont en commun le retournement de situation qui permet la révélation épigénétique d’un secret de famille, d’une situation imposée par l’histoire, par la situation politique de l’époque. Toutes les ruptures, les cassures, les déchirures internes se révèlent en un fleuve émotionnel arrachant avec force tous les liens, les non-dits, les interdits, les clichés, les tensions au prix d’une épiphanie destructrice mais paradoxalement salvatrice et réparatrice. Et la vie est là, continue, vaste, emportée, sublimée par les actions menues et intimes, du quotidien constructeur à l’évènement révélateur. Charlotte Lagrange prend pour cadre de son action les Vosges où la grand-mère défunte devient le révélateur du choc historique pendant les années noires de l’annexion au IIIème Reich ; Wouajdi Mouawad investit le paradoxe israélo-palestinien en un personnage écartelé et Caroline Nguyen interroge le rapport au Vietnam. Trois œuvres qui ont touché le public au plus profond de son existence, puisque l’essentiel n’est pas ce personnage qui traverse l’histoire mais bien la résonance qu’il instille en cascade sur l’ensemble des personnages : famille, amis, entourage. Chacun se sent concerné, la double énonciation prend tout son sens et quand, dans Désirer tant, Olga s’interroge, c’est Eva, sa petite fille qui vibre, c’est nous, public, qui tressaillons. « C’est la pièce, que personnellement, j’ai préférée de tout le parcours », dit Solène, au cours de l’atelier, à Charlotte, Lagrange. Solène qui l’avait déjà interrogée à l’issue du spectacle en novembre à la Filature, au cours de la conférence Fédepsy donnée à l’issue de la représentation : « Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de mettre en scène l’amour de deux jeunes femmes dans votre pièce ? » C’est que Charlotte avoue ne pas avoir eu conscience tout de suite que son œuvre l’entrainerait du côté où le féminin le plus intime se révèle. Metteuse en scène talentueuse et à l’écoute de ses acteurs, de leur propre aveu, sous le charme de son aura, de son écoute et de sa bienveillance, c’est cette qualité d’attention particulière à chacun qui s’est révélée au cours de l’atelier d’écriture au lycée. « Charlotte a l’art d’accoucher les esprits en douceur », dit leur professeure, elle sait pénétrer leur cœur au point de les faire écrire à leur grand parent tout l’amour qu’ils peuvent lui porter. L’émotion est au rendez-vous, les lycéens se perdent avec délectation dans l’écriture fictionnelle quand ils doivent prendre le rôle du grand-parent de 16 ans qui rencontre sa descendance et lui parle. C’est un pan de l’histoire qui s’écrit dans l’intimité émotionnelle. Certains élèves liront leurs textes à la Filature, au cours des journées de restitution à la mi-mai. Un élève interprétera des textes de Charlotte Lagrange, auteure de Aux suivants et l’Age des Poissons, joués à la Filature en 2016.
Mais, cerise sur le gâteau, ô bonheur ! le séjour de Charlotte au lycée du 18 au 21 mars a été marqué par la nomination de Charlotte au prix du café Beaubourg, prix littéraire qui récompense l’œuvre dramatique. Charlotte Lagrange s’est vue décerner le second prix pour sa pièce Désirer tant ! Que demander de plus, tous ont été comblés ! Charlotte Lagrange, qui a fait ses études au TNS à Strasbourg, en résidence à la Filature à Mulhouse, se voit récompensée pour son travail de dramaturge. Révélation bienvenue pour une femme hors du commun, qui allie le sourire à toute la charge émotionnelle que procure son art.